Incarnare

Renouer avec le Vivant, par
l’intelligence incarnée

par Mehdi Fenjiro



Manifeste


Incarnare : verbe latin, signifie « Mettre en chair » ou « Incarner »

La modernité et la technologie ont tenu toutes leurs promesses matérielles. L’homme a dissous la contrainte de la nature autant qu’il l’a pu. Résultat : il n’a jamais été aussi confortable de vivre dans l’histoire de l’humanité. Ce qui devait nous rendre plus épanouis et plus libres a pourtant fini par nous épuiser et nous désorienter : nous avons augmenté la vitesse de l’existence en la vidant peu à peu de son sens.Dans le bruit et la fatigue générales, réémergent des vérités que nos corps connaissent encore mais que nos têtes ont oubliées : la vie naît d’une tension juste entre l’épreuve et le confort, l’aléa et le calcul, l’inconnu et le connu. En ne se concentrant que sur la moitié de l’équation, notre époque hyper-rationnelle nous prive de tout un pan de l’intelligence humaine : celle qui vit par l’intuition, dans la lenteur et la contemplation, et nous aide à trouver le vrai sans le démontrer.Si nous échouons aujourd’hui à cultiver ces qualités, c’est parce qu’elles ne s’épanouissent que dans un univers dont la modernité nous a peu à peu coupés. Cet univers, c’est celui des sensations, qui ne se vivent que dans l’expérience physique et symbolique du monde - expérience à laquelle nous n’avons presque plus accès, immobiles devant des écrans de verre, convaincus que les savoirs et les rituels ancestraux ne sont que des folklores, voire des superstitions.En nous efforçant d’éviter la contrainte du vivant, c’est le vivant tout entier qui nous échappe. En cherchant à tout expliquer et décomposer par la donnée objective, nous nous sommes rendus incapables de répondre aux questions les plus essentielles : comment habiter le temps sans le fuir, comment tisser durablement des relations qui comptent, comment créer sans ajouter au bruit ambiant.L’intelligence artificielle nous renvoie en miroir ce déséquilibre porté à son paroxysme. Celui d’un futur où la machine se substitue au discernement humain, et où l’expérience de la vie n’est plus fondée que sur une modélisation désincarnée et simplifiée du vivant, dans une infinité de déclinaisons qui tournent en boucles de déjà-vu.Je crois que le futur ne sera désirable que si nous retrouvons un ancrage, renouons avec la sagesse des sens et du corps, et reprenons la gouverne de nos vies pour habiter la complexité, au lieu de la fuir. Cette intelligence dans la chair nous permettra de jouir de la technologie sans qu’elle ne nous enferme.Et de renouer avec la vie, autour de nous, et en nous.


Mon histoire


Daddy & his girls

Mes filles naissent, et je réalise que je n’ai pas la vitalité dont j’ai besoin pour être le père que je veux être. Fatigue, stress, distraction permanente : je suis là, mais je me traîne, je vis à reculons.Alors je me reprends en main : je change mon alimentation, je me remets au sport, je travaille sur mon hygiène mentale pour être plus solide, plus présent, plus disponible.Le chemin est long, cabossé. Mais les résultats arrivent : -15 kg, -9 ans d’âge biologique, plus de force, plus d’énergie, plus de résilience – plus de vie qui coule dans mes veines. Je découvre, de façon concrète, ce que je pressentais depuis des années : je vivais à 50 % de mes capacités.Ce chemin change peu à peu mon regard sur la vie. Deux évidences s’imposent :
- La vitalité est la condition première d’une vie habitée, gouvernée et libre, bien avant l’argent, la gloire ou la réussite professionnelle
- Le corps n’est pas une machine à optimiser à coups de protocoles rigides, mais un jardin à cultiver face au réel
Ces vérités ne sont pas neuves. Et pourtant, combien d’entre nous vivent vraiment selon ces principes ? Je les ai redécouverts dans ma chair, bousculant ainsi mon rapport à la modernité, où la vitalité n’est plus vue comme une boussole intérieure mais comme une simple source d’énergie extérieure. Et où triomphent sans partage l’abstraction scientifique, la logique réductionniste et le tout data-driven. Sans remettre en cause leurs mérites dans notre prospérité matérielle, je ressens que le malaise général et les crises que nous traversons ont une racine commune : notre déconnexion au corps et aux sensations.Cette prise de conscience résonne profondément avec mon parcours : ayant travaillé dix ans dans la tech et la data, j’ai vu de l’intérieur la tension croissante d’un monde qui cherche à éliminer toute friction mais qui, ce faisant, s’éloigne de plus en plus du vivant.Aujourd’hui, je suis convaincu que le futur, pour rester désirable, devra retrouver un équilibre. Face à l’intelligence artificielle – prolongement abouti de trois siècles de pensée cartésienne – et aux questions qu’elle pose à notre humanité même, il nous faut redéployer une autre forme d’intelligence ; non pas concurrente, mais complémentaire.L’intelligence du corps, des sens et de l’intuition : l’intelligence incarnée.